Non, The Lancet n’a pas publié de démenti concernant l’efficacité des vaccins contre la covid-19

Un message assure que la revue The Lancet aurait publié une étude confirmant que « l’efficacité des vaccins » n’était pas de 95 %, mais de 0,84 à 1,3 % en fonction du laboratoire


Verificat

Vous nous avez fait parvenir un message selon lequel la revue The Lancet aurait publié une étude confirmant que « l’efficacité des vaccins » n’était pas de 95 %, mais de 0,84 à 1,3 % en fonction du laboratoire. C’est une information TROMPEUSE : non seulement la revue The Lancet n’a pas publié d’étude à ce sujet (il s’agissait d’un commentaire signé par un groupe de scientifiques), et le document en question ne remet pas en cause les données concernant l’efficacité des vaccins. Le commentaire se contente de présenter une donnée d’un autre type pour calculer l’efficacité des vaccins, à savoir non pas une donnée statistique, mais qui dépend de la situation épidémiologique dans laquelle se trouve la personne vaccinée.

« L’étude révisée par des pairs de la prestigieuse revue scientifique The Lancet confirme que l’efficacité du vaccin n’est pas de 95 % comme l’affirme les entreprises productrices de vaccins, mais comme suit : AstraZeneca 1,3 %, Moderna 1,2 %, J&J 1,2 %, Pfizer 0,84 %. [Ces entreprises] ont trompé tout le monde en donnant des informations sur la réduction du risque relatif (RRR) et non sur la réduction du risque absolu (ARR). »

Ce message affirme que l’étude de The Lancet indique que l’efficacité des vaccins « n’est pas de 95 %, comme l’affirment les entreprises productrices de vaccins », mais de 1,3 % pour AstraZeneca, de 1,2 % pour Moderna et J&J et de 0,84 % pour Pfizer. Aussi bien les chiffres officiels que ceux exposés par le commentaire sont corrects et complémentaires, puisqu’ils correspondent à différentes manières de mesurer l’efficacité des vaccins. Le chiffre de 95 % correspond en effet aux chiffres que les autorités ont publiés au sujet des différents vaccins. Cette façon de mesurer l’efficacité se dénomme « réduction du risque relatif » (RRR) et elle est correcte, mais il existe également une autre manière d’appréhender l’efficacité d’un vaccin, à savoir par le biais de la réduction du risque absolu (ARR) qui, au lieu de prendre en compte le seul individu, comme c’est le cas avec la RRR, considère également l’ensemble de la population. « Il faudrait analyser la RRR en la comparant avec le risque d’être contaminé et de contracter la covid-19, une donnée qui varie selon les populations et avec le temps », explique le commentaire du Lancet. La combinaison entre efficacité du vaccin et situation épidémiologique donne l’ARR.

« Nous n’affirmons pas que les vaccins ne fonctionnent pas. Nous disons qu’ils fonctionnent et ajoutons des considérations sur l’efficacité intrinsèque des vaccins et sur l’efficacité au sein de différentes populations », indique à Verificat Piero Olliaro, chercheur au Centre de médecine tropicale et de santé globale de l’Université d’Oxford (Royaume-Uni) et auteur principal de ce commentaire, qui ne constitue pas une étude « révisée par des pairs », mais l’opinion de trois experts. Ainsi, les laboratoires ne « [trompent] pas tout le monde », comme l’affirme cette intox.

Deux façons de mesurer l'efficacité

La RRR est un pourcentage qui indique dans quelle mesure le vaccin est capable de « prévenir des maladies chez les personnes qui courent le risque de se contaminer et d’être infectées », c’est-à-dire de développer des formes graves de covid-19. Quant à l’ARR, elle concerne le nombre de personnes qu’il faut vacciner pour qu’un vaccin puisse être efficace sur le plan épidémiologique.

Ainsi, le chiffre de 95 % s’intéresse aux personnes qui ont déjà été immunisées par un vaccin donné, tandis que l’ARR de 1,2 %, par exemple, considère l’ensemble des individus d’une population et permet de déterminer le nombre nécessaire de personnes à vacciner au sein d’une population présentant un risque donné à un moment donné. « Quelle que soit la RRR, l’ARR est plus élevée lorsque l’incidence de covid-19 est plus élevée, et elle diminue lorsque l’incidence diminue », explique Piero Olliaro.

Avec ce commentaire, le chercheur ne cherche pas à discréditer l’information fournie par les laboratoires au sujet des vaccins, mais à expliquer que les décisions politiques qui sont prises en matière de santé publique ne devraient pas obéir seulement à un pourcentage de RRR : « Deux vaccins présentant une efficacité élevée et similaire (RRR de 95 %) peuvent avoir une efficacité différente selon le risque de covid-19 », conclut-il.